Antoine de Saint-Exupéry.
Né le 29 juin 1900
à Lyon, St Exupéry est le troisième d'une
famille de cinq enfants.
Il
est très proche de sa mère, la Comtesse de St Exupéry.
En
1921, Antoine est appelé sous les drapeaux.
C'est
à cette époque qu'il découvre l'aviation
avec le moniteur Robert Aeby.
Antoine
rentre dans la Compagnie Aérienne Française au printemps
de cette année.
Il est chargé de donner des baptêmes de l'air.
Le
11 octobre, la société d'Aviation Latécoère
engage Antoine.
Il
est alors en villégiature au château d'Agay chez
sa soeur.
Il part immédiatement pour Toulouse, siège de la
société.
1932
Saint-Exupéry passe le brevet d'hydravion et assure la
liaison Marseille-Alger.
En
1933, toutes les compagnies d'aviation se regroupent au sein d'une
même compagnie : Air France.
Des
ingénieurs hostiles à Daurat et à ses amis
empêchent Saint-Exupéry d'y entrer.
Il
devient pilote d'essai dans la Société de Constructions
Latécoère .
Il
est victime d'un nouvel accident (hydravion) à Saint-Raphael.
En
1935, il retourne à Paris, mais reviendra en avril à
Agay pour son mariage avec Consuelo Suncin,
la veuve du journaliste Gomez Carillo,
qu'il
a connue à Buenos Aires.
C'est
une artiste salvadorienne et aussi une écrivaine.
La
rose du Petit prince, c'est elle. Elle a donc épousé
Antoine le 23 avril 1931 au château d'Agay.
Pour
anecdote, sa robe de mariage était noire...
Mais
la famille d'Antoine n'acceptera pas vraiment cette artiste étrangère,
fantasque, originale avec qui l'écrivain mènera
grand train
Il
faut lui reconnaître aussi d'avoir toujours soutenu son
Antoine dans sa vie difficile de pilote de nuit après la
fin de la glorieuse Aéropostale.
En janvier, il part pour l'Amérique,
pour tenter de rallier New -York à la Terre de feu.
Mais son avion s'écrase au Guatemala. Il reste 5 jours
dans le coma et souffre entre autres, de 7 fractures du crâne.
Il
profite de sa convalescence pour travailler à la rédaction
de son manuscrit de « Terre des Hommes »
qui paraîtra en 1935.
Il
restera de longs mois de convalescence à New-York, avant
de revenir à Agay.
(On
finit toujours par revenir à Agay...).
Le
2 septembre 1939, c'est la déclaration de guerre.
Le 4 septembre, il est convoqué à Toulouse et devient
moniteur de pilotes.
Il
est déclaré inapte aux missions de guerre, à
cause de son mauvais état général dû
à ses nombreux accidents.
Le
3 novembre, on l'affecte au groupe de grande reconnaissance 2/33,
établi d'abord en France, puis déplacé à
Alger.
Durant
ce premier hiver de la seconde guerre mondiale, il commence à
écrire Le petit Prince. 10 mai 1940: Offensive Allemande.
Le
22 mai, il a mission de reconnaissance sur Arras (qui lui inspirera
« Pilote de Guerre »).
Le
2 juin, il aura une citation à l'ordre de l'armée
aérienne comportant la croix de guerre avec palme.
Le
17 juin, c'est la débâcle. Tous les officiers du
groupe 2/33 sont envoyés à Alger.
Antoine attend sa démobilisation.
Démobilisé
en août 1940, Saint-Exupéry décide de retourner
aux Etats-Unis en passant par Lisbonne, mais les Espagnols lui
interdisent
de
traverser leur territoire à cause des articles qu'il avait
écrit pendant la guerre civile.
Le
16 novembre, il parvient à se rendre à Lisbonne
ou il embarque pour New York.
Il
fait la traversée en compagnie du cinéaste Jean
Renoir.
Le
27 novembre, Guillaumet est abattu en Méditerranée.
1941 Saint-Exupéry réside à New-York puis
en Californie. il y commence Pilote de Guerre .
1942
Le 20 février parait Pilote de Guerre (Edition américaine
Flight To Arras).
Ce
roman sera best-seller aux Etats-Unis pendant six mois.
En
mai, il voyage au Canada où il donne plusieurs conférences.
En
février1943, il publie : Lettre à un Otage
(qui était à la base une lettre adressée
à Léon Werth).
Le
6 avril paraît Le petit Prince. Pilote de Guerre est interdit
en France par les Allemands.
Le
15 mars, il reçoit sa feuille d'embarquement pour l'Afrique
du Nord .
Il remplit une première mission, puis les autorités
américaines profitent d'un petit incident lors de sa deuxième
mission pour lui
rappeler
que la limite d'âge est de trente-cinq ans et le mettre
en réserve.
1944
A force d'insistance pour reprendre du service, il obtient d'être
réintégré dans le groupe 2/33 qui se trouve
maintenant en Corse,
à
condition de ne pas
accomplir plus de cinq missions.
Il
écrit sa Lettre à un Américain.
Le
14 juin, il effectue une première mission, puis malgré
les limites qu'on lui a fixées, enchaîne les mission
les unes à la suite des autres.
Ses chefs veulent essayer de le "protéger"
en lui confiant le secret du débarquement, mais il part
pour une neuvième mission
un jour
avant d'être mis au courant.
Le 31 juillet,
il s'envole de Corse pour une mission de reconnaissance sur Grenoble
et Annecy:
Il décolle
à 8 H 45 et dispose de 6 heures d'autonomie d'essence.
A 14 h.45,
il n'est toujours pas rentré.
On présume
que son avion (P38 lightning) a été abattu, mais
on ne l'a jamais retrouvé.
Sur le mur de la Tour du phare de la Beaumette,
une plaque commémore le passage de Saint-Exupery.
Une fontaine visible dans les jardins du centre commercial des
bastides d'Agay a également été faite à
son intention.
D’autres personnalités ont aimé
et habité à Agay. Commençons
par les peintres.
Armand Guillaumin.
Armand GUILLAUMIN (1841-1927) est probablement
le moins connu des grands peintres impressionnistes,
bien qu'il fit partie du mouvement impressionniste
dès son origine et qu'il en fut le dernier survivant.
Peintre paysagiste au coloris intense, il se
distingua par ses paysages de la Région Parisienne, de
la Creuse et de l'Esterel.
Vers la fin de la décennie 1880 il devint
un ami de Van Gogh, et certaines de ses toiles furent vendues
par Théo Van Gogh.
En 1886, il se fera connaître en Amérique
lors de l'exposition sur les Peintres Impressionnistes organisée
par le marchand d'art Durand-Ruel.
En 1886 il épousa sa cousine, Marie-Joséphine
Charreton, professeur d'école, qui le supportera financièrement.
Dans les années 1890, sa peinture devait
devenir plus subjective, et il commença à utiliser
des couleurs très expressives,
anticipant bientôt les fauves.
En 1892 il gagna à la Loterie Nationale,
ce qui lui permit dès lors d'être indépendant
sur le plan financier et
de seconcentrer sur sa peinture.
Il se déplacera dès lors régulièrement
entre Crozant dans la Creuse, où il loua une maison à
partir de 1892, Agay,
ur la Commune de Saint-Raphaël au pied de l'Esterel,
et Saint-Palais-sur-Mer, station balnéaire de la Charente
Maritime.
Guillaumin dont la vie fut longue puisqu'il mourut en 1927 à
l'âge de 86 ans fut le dernier survivant du groupe des
Impressionnistes,
dont il fut un des plus fidèle et loyal
membre.
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La baie
d'Agay et Agay à camp long.
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Ses
oeuvres témoignent de la vive préférence
de l'artiste pour l'eau, motif qui allait devenir l'un de ses
sujets favoris.
Son
mariage ayant amélioré sa situation financière
(c'était avant d'avoir gagné au loto), c'est en
1887 que Guillemin se rend
pour
la première fois à Agay
car la localité possède 2 gare où 2 trains
s'arrêtent chaque jour mais l'absence de route
(il
n'y avait pas encore la
belle route de la corniche d'or) lui confère un isolement
qui la rend sauvage.
Il logera au grand hôtel d'Agay où l'on trouve une pension complète pour
7 francs 50, ce qui est moins cher que les stations balnéaires
voisines.
Après
avoir touché son loto, il reveindra passer presque tous
les hivers à Agay.
Il
louera même une villa au Trayas « le Vertige ».
Il
orientera son œuvre vers une palette plus vivez, inspirée
par les paysages de l'Estérel,
presque violente, qui éblouie par les pourpres,
les
violets et les rouges. (proche du fauvisme).
Un autre peintre très connu séjourna aussi à
Agay, plus exactement à Anthéor.
Louis Valtat.
Né à Dieppe le 8 août 1869
Mort le 2 janvier 1952. Ce peintre français de la fin
du XIX° et du début du XX° siècle est
un des représentants
du courant fauviste.
Formé à
l'Académie Jullian, il installe un atelier à Paris
et travaille notamment avec Henri de Toulouse-Lautrec.
Vers 1897-98, il s’installe
sur la côte de l'Esterel,
à Agay et Anthéor dont il peint la côte découpée,
les rochers rouges et sauvages.
Il en profite aussi
pour rendre visite à d'autres amis peintres installés
sur la Côte d'Azur, Auguste Renoir à Cagnes-sur-mer
et Paul Signac, un des maîtres du
pointillisme, à
Saint-Tropez.
Le traitement décalé
des couleurs fait effectivement de Valtat un pionnier du fauvisme
mais l'ensemble de son oeuvre reste
post-impressionniste
au sens large du terme, souvent mêlée de pointillisme,
influence probable de Signac.
A l'exposition de groupe
organisée par Paul Signac à la Galerie Durand
Ruel, en mars 1899, il figure avec vingt peintures dont
quinze sont regroupées
sous le titre "Notations d'Agay, 1899".
C'est également
en 1900 que sur l'amical conseil de Renoir, Ambroise Vollard
passe un accord avec Valtat dont il acquiert pratiquement
la totalité
de la production durant plus de dix ans.
Il continue néanmoins
d'exposer aux principaux salons, notamment le Salon d'Automne
de 1905 où, en compagnie de Derain, Puy,
Matisse et consorts,
il provoque le scandale du fauvisme.
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"Baie
d'Anthéor" (vers 1906-07, Musée de l'Hermitage,
Saint-Pétersbourg)
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Pendant leurs séjours
à Anthéor, les Valtat traversent souvent l'Estérel,
parfois à bicyclette, pour aller voir Auguste Renoir
qui à cette époque
loue la "Maison de la Poste" à Cagnes.
A l'occasion d'une de
ces visites en 1903, Renoir peint le Portrait de Suzanne Valtat,
pendant que Louis Valtat réalise à
l'encre quelques portraits
de Renoir, dessins qui lui serviront pour graver un bois.
La distance séparant Anthéor de Saint Tropez étant d'environ 40
kilomètres, des visites à Paul Signac se font
facilement
dans la journée
à bord de la Bollée, voiturette à pétrole
que Valtat tient de Signac en échange de sa peinture
" Le Cap Roux ".
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Vous
aurez compris, ici on aime Valtat...
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Il faut noter aussi
le passage du peintre Piero Focardi qui représenta l'Esterel et la côte d'Anthéor.
Guy
de Maupassant.
Nous avons eu la chance d'accueillir Guy de Maupassant
, oui oui, l'écrivain, qui croisa sur la grande bleue en
faisant escale à Cannes,
à Agay puis à St Tropez.
Cette croisière lui inspira d'ailleurs
« Sur l'eau ».
Je ne résiste pas au plaisir de vous glisser un extrait
de son voyage « Sur l'eau » :
Agay, 8 avril. -Beau temps, monsieur.
Je me lève et monte sur le pont.
Il est trois heures du matin ; la mer est
plate, le ciel infini ressemble à une immense voûte
d'ombre ensemencée de graines de feu.
Une brise très légère
souffle de terre. Le café est chaud, nous le buvons, et
sans perdre une minute pour profiter de ce vent favorable,
nous partons. Nous voilà glissant
sur l'onde, vers la pleine mer. La cote disparaît ; on ne
voit plus rien autour de nous que du noir.
C'est là une sensation, une émotion
troublante et délicieuse : s'enfoncer dans cette nuit vide,
dans ce silence, sur cette eau, loin de tout.
Il semble qu'on quitte le monde, qu'on ne
doit plus jamais arriver nulle part, qu'il n'y aura plus de rivage,
qu'il n'y aura pas de jour.
A mes pieds une petite lanterne éclaire
le compas qui m'indique la route.
Il faut courir au moins trois milles au large
pour doubler sûrement le cap Roux et le Dramont, quel que soit le vent qui donnera,
lorsque le soleil sera levé. J'ai fait
allumer les fanaux de position, rouge bâbord et vert tribord,
pour éviter tout accident, et je jouis avec
ivresse de cette fuite muette, continue et
tranquille.
Tout à coup un cri s'élève
devant nous.
Je tressaille, car la voix est proche ; et
je n'aperçois rien, rien que cette obscure muraille de
ténèbres où je m'enfonce et
qui se referme derrière moi. Raymond
qui veille à l'avant me dit :
- C'est une tartane qui va dans l'est ; arrivez
un peu, monsieur, nous passons derrière.
Et soudain, tout près, se dresse un
fantôme effrayant et vague, la grande ombre flottante d'une
haute voile aperçue
quelques secondes et disparue presque aussitôt.
Rien n'est plus étrange, plus fantastique
et plus émouvant que ces apparitions rapides, sur la mer,
la nuit.
Les pêcheurs et les sabliers ne portent
jamais de feux ; on ne les voit donc qu'en les frôlant,
et cela vous laisse le serrement
de cœur d'une rencontre surnaturelle.
J'entends au loin un sifflement d'oiseau.
Il approche, passe et s'éloigne.
Que ne puis-je errer comme lui !
L'aube enfin parait, lente et douce, sans
un nuage, et le jour la suit, un vrai jour d'été.
Raymond affirme que nous aurons vent d'est,
Bernard tient toujours pour l'ouest et me conseille de changer
d'allure et de marcher
tribord amures sur le Dramont
qui se dresse au loin. Je suis aussitôt son avis et, sous
la lente poussée d'une brise agonisante,
nous nous rapprochons de l'Esterel. La longue
côte rouge tombe dans l'eau bleue qu'elle fait paraître
violette.
Elle est bizarre, hérissée,
jolie, avec des pointes, des golfes innombrables, des rochers
capricieux et coquets, mille fantaisies de montagne admirée.
Sur ses flancs, les forêts de sapins
montent jusqu'aux cimes de granit qui ressemblent à des
châteaux, à des villes,
à des armées de pierres courant
l'une après l'autre.
Et la mer est si limpide à son pied,
on distingue par places les fonds de sable et les fonds d'herbes.
Certes, en certains jours, j'éprouve
l'horreur de ce qui est jusqu'à désirer la mort.
Je sens jusqu'à la souffrance suraiguë
la monotonie invariable des paysages, des figures et des pensées.
La médiocrité de l'univers
m'étonne et me révolte, la petitesse de toutes choses
m'emplit de dégoût,
la pauvreté des êtres humains
m'anéantit.
En certains autres, au contraire, je jouis
de tout à la façon d'un animal.
Si mon esprit inquiet, tourmenté, hypertrophié
par le travail, s'élance à des espérances
qui ne sont point de notre race,
et puis retombe dans le mépris de tout,
après en avoir constaté le néant, mon corps
de bête se grise de toutes les ivresses de la vie.
'aime le ciel comme un oiseau, les forêts
comme un loup rôdeur, les rochers comme un chamois, l'herbe
profonde pour m'y rouler,
pour y courir comme un cheval et l'eau limpide
pour y nager comme un poisson.
Je sens frémir en moi quelque chose
de toutes les espèces d'animaux, de tous les instincts,
de tous les désirs confus des créatures inférieures.
J'aime la terre comme elles et non comme
vous, les hommes, je l'aime sans l'admirer, sans la poétiser,
sans m'exalter.
J'aime d'un amour bestial et profond, méprisable
et sacré, tout ce qui vit, tout ce qui pousse, tout ce
qu'on voit, car tout cela, l
issant calme mon esprit, trouble mes yeux
et mon coeur, tout : les jours, les nuits, les fleuves, les mers,
les tempêtes, les bois, les aurores,
le regard et la chair des femmes.
La caresse de l'eau sur le sable des rives
ou sur le granit des roches m'émeut et m'attendrit, et
la joie qui m'envahit,
quand je me sens poussé par le vent
et porté par la vague, naît de ce que je me livre
aux forces brutales et naturelles du monde,
de ce que je retourne à la vie primitive.
Quand il fait beau comme aujourd'hui, j'ai dans les veines le
sang des vieux faunes lascifs et vagabonds,
je ne suis plus le frère des hommes,
mais le frère de tous les êtres et de toutes les
choses !
Le soleil monte sur l'horizon. La brise tombe comme avant-hier,
mais le vent d'ouest prévu par Bernard ne se lève
pas plus que le vent
d'est annoncé par Raymond.
Jusqu'à dix heures, nous flottons immobiles,
comme une épave, puis un petit souffle du large nous remet
en route, tombe,
renaît, semble se moquer de nous, agacer
la voile, nous promettre sans cesse la brise qui ne vient pas.
Ce n'est rien,
l'haleine d'une bouche ou un battement d'éventail
; cela pourtant suffit à ne pas nous laisser en place.
Les marsouins, ces clowns de la mer, jouent
autour de nous, jaillissent hors de l'eau d'un élan rapide
comme s'ils s'envolaient,
passent dans l'air plus vifs qu'un éclair,
puis plongent et ressortent plus loin.
Vers une heure, comme nous nous trouvions
par le travers d'Agay, la brise tomba tout à fait, et je compris que
je coucherais au large
si je n'arrimais pas l'embarcation pour remorquer
le yacht et me mettre à l'abri dans cette baie.
Je fis donc descendre deux hommes dans le
canot, et à trente mètres devant moi ils commencèrent
à me traîner.
Un soleil enragé tombait sur l'eau,
brûlait le pont du bateau.
Les deux matelots ramaient d'une façon
très lente et régulière, comme deux manivelles
usées qui ne vont plus qu'à peine,
mais qui continuent sans arrêt leur
effort mécanique de machines.
La rade d'Agay forme
une joli bassin, bien abrité, fermé, d'un côté,
par les rochers rouges et droits, que domine le sémaphore
au sommet de la montagne, et que continue,
vers la pleine mer, l'île d'Or, nommée ainsi à
cause de sa couleur ; de l'autre,
par une ligne de roches basses, et une petite
pointe à fleur d'eau portant un phare pour signaler l'entrée.
Dans le fond, une auberge qui reçoit
les capitaines de navires réfugiés là par
gros temps et les pêcheurs en été, une gare
où ne
s'arrêtent que deux trains par jour
et où ne descend personne, et une jolie rivière
s'enfonçant dans l'Esterel jusqu'au vallon
nommé Malinfermet, et qui est plein
de lauriers-roses comme un ravin d'Afrique.
Aucune route n'aboutit, de l'intérieur,
à cette baie délicieuse. Seul un sentier conduit
à Saint-Raphaël, en
passant par les
carrières de porphyre du Dramont ; mais aucune voiture ne le pourrait suivre.
Nous sommes donc en pleine montagne.
Je résolus de me promener à
pied, jusqu'à la nuit, par les chemins bordés de
cistes et de lentisques.
Leur odeur de plantes sauvages, violente et
parfumée emplit l'air, se mêle au grand souffle de
résine de la forêt immense,
qui semble haleter sous la chaleur.
Après une heure de marche, j'étais
en plein bois de sapins, un bois clair, sur une pente douce de
montagne.
Les granits pourpres, ces os de la terre,
semblaient rougis par le soleil, et j'allais lentement, heureux
comme doivent l'être
les lézards sur les pierres brûlantes,
quand j'aperçus, au sommet de la montée, venant
vers moi sans me voir, deux amoureux ivres de leur rêve.
C'était joli, c'était charmant,
ces deux êtres aux bras liés, descendant, à
pas distraits, dans les alternatives de soleil et d'ombre
qui bariolaient la côte inclinée.
Elle me parut très élégante
et très simple avec une robe grise de voyage et un chapeau
de feutre hardi et coquet.
Lui, je ne le vis guère. Je remarquai
seulement qu'il avait l'air comme il faut.
Je m'étais assis derrière le
tronc d'un Pin pour les regarder passer. Ils ne m'aperçurent
pas et continuèrent à descendre, en se tenant par
la taille,
sans dire un mot, tant ils s'aimaient.
Quand je ne les vis plus, je sentis qu'une
tristesse m'était tombée sur le cœur.
Un bonheur m'avait frôlé, que
je ne connaissais point et que je pressentais le meilleur de tous.
Et je revins vers la baie d'Agay, trop, las, maintenant, pour continuer ma promenade.
Jusqu'au soir, je m'étendis sur l'herbe,
au bord de la rivière, et, vers sept heures, j'entrai dans
l'auberge pour dîner.
Mes matelots avaient prévenu le patron,
qui m'attendait.
Mon couvert était mis dans une salle
basse peinte à la chaux, à côté d'une
autre table où dînaient déjà,
face à face et se regardant au fond
des yeux, mes amoureux de tantôt.
J'eus honte de les déranger, comme
si je commettais là une chose inconvenante et vilaine.
Ils m'examinèrent quelques secondes,
puis se mirent à causer tout bas.
L'aubergiste, qui me connaissait depuis longtemps,
prit une chaise près de la mienne.
Il me parla des sangliers et du lapin, du
beau temps, du mistral, d'un capitaine italien qui avait couché
là l'autre nuit, puis, pour me flatter,
vanta mon yacht, dont j'apercevais par la
fenêtre la coque noire et le grand mât portant au
sommet mon guidon rouge et blanc.
Mes voisins, qui avaient mangé très
vite, sortirent aussitôt. Moi, je m'attardai à regarder
le mince croissant de la lune poudrant de lumière la petite
rade.
Je vis enfin mon canot qui venait à
terre, rayant de son passage, l'immobile et pâle clarté
tombée sur l'eau.
Descendu pour m'embarquer, j'aperçus,
debout sur la plage, les deux amants qui contemplaient la mer.
Et comme je m'éloignais au bruit pressé
des avirons, je distinguais toujours leurs silhouettes sur le
rivage, leurs ombres dressées cote à côte.
Elles emplissaient la baie, la nuit, le ciel,
tant l'amour s'exhalait d'elles, s'épandait par l'horizon,
les faisait grandes et symboliques.
Et quand je fus remonté sur mon bateau,
je demeurai longtemps assis sur le pont, plein de tristesse sans
savoir pourquoi,
plein de regrets sans savoir de quoi, ne
pouvant me décider à descendre enfin dans ma chambre,
comme si j'eusse voulu respirer plus longtemps
un peu de cette tendresse répandue dans l'air, autour d'eux.
Tout à coup une des fenêtres
de l'auberge s'éclairant, je vis dans la lumière
leurs deux profils.
Alors ma solitude m'accabla, et dans la tiédeur
de cette nuit printanière, au bruit léger des vagues
sur le sable,
sous le fin croissant qui tombait dans la
pleine mer, je sentis en mon cœur un tel désir d'aimer,
que je faillis crier de détresse.
Puis, brusquement, j'eus honte de cette faiblesse
et ne voulant point m'avouer que j'étais un homme comme
les autres,
j'accusai le clair de lune de m'avoir troublé
la raison.
J'ai toujours cru d'ailleurs que la lune exerce
sur les cervelles humaines une influence mystérieuse.
Elle fait divaguer les poètes, les
rend délicieux ou ridicules et produit, sur la tendresse
des amoureux,
l'effet de la bobine de Ruhmkorff sur les
courants électriques.
L'homme qui aime normalement sous le soleil,
adore frénétiquement sous la lune.
Une femme jeune et charmante me soutint un
jour, je ne sais plus à quel propos, que les coups de lune
sont mille fois
plus dangereux que les coups de soleil.
On les attrape, disait-elle, sans s'en douter
en se promenant par les belles nuits, et on n'en guérit
jamais ;
on reste fou, non pas fou furieux, fou à
enfermer, mais fou d'une folie spéciale, douce et continue
;
on ne pense plus, en rien, comme les autres
hommes.
Certes, j'ai dû, ce soir, recevoir un
coup de lune, car je me sens déraisonnable et délirant
;
et le petit croissant qui descend vers la
mer m'émeut, m'attendrit et me navre.
Bon d'accord c'était un grand
et long extrait... Mais c'est si beau...
Albert Cohen.
Il me faut vous parler aussi d'Albert Cohen, cet
écrivain Suisse et diplomate. (1895-1981).
Celui là
même qui a écrit ce si beau livre « Belle
du seigneur », son oeuvre majeure.
Albert
séjourna à Agay après
son deuxième mariage avec Marianne Goss à l'hôtel
des Roches Rouges et d'ailleurs plusieurs passages de ce roman
se déroulent
à cet hôtel.
Il y fait
vivre l'amour fou et partagé d'Ariane pour Solal.
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Le grand
Hôtel des « Roches Rouges »
d'Agay.
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Peint entre
1909 et 1910, Les Rochers près d'Agay
constitue la dernière oeuvre du peintre Antoine Lumière.
Maurice Donnay proche d'Antoine nous en conte la genèse
: « Il [Antoine Lumière] s'est fait bâtir à
Anthéor,
une petite
bastide uniquement pour faire une vue du Cap Roux.
Nous allons
après le déjeuner visiter la bastide.
Au rez-de-Chaussée
se trouve l'atelier avec les murs blanchis à la chaux,
et dans le mur, du côté de l'Est,
une large
baie avec une seule vitre est comme un cadre pour le Cap Roux.
Seulement
le Père Lumière ne peut travailler que selon un
certain éclairage, lequel éclairage ne dure que
10 minutes et n'a pas lieu tous les jours ».
(voir les
cartes postales anciennes d'anthéor).
Les
autres personnalités installés à proximité
d'Agay:
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Au Dramont
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A
Camp-long:
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A
Anthéor:
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Au
Trayas:
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